Plasmas stellaires et astrophysique de laboratoire

Depuis le coeur des étoiles jusqu’à leurs environnements proches, la matière est plasma. Sa structure, sa composition et sa dynamique sont gouvernées par le champ magnétique, le rayonnement et les particules énergétiques. Comprendre les processus physiques à l’œuvre dans ces environnements est un enjeu essentiel pour pouvoir interpréter correctement les observations spatiales à haute résolution angulaire et spectrale. Théorie, simulation et expériences permettent de comprendre des processus variés comme la diffusion radiative à l’intérieur des étoiles et les processus d’accrétion éjection dans les environnements stellaires.
Aux petites échelles, il s’agit d’étudier la physique universelle des chocs, des instabilités magnétiques, de la reconnexion, ainsi que les processus de génération de rayons cosmiques et leur interaction avec le milieu ambiant. Les très grandes installations de physique LMJ, NIF, SANDIA, et de calcul intensif ouvrent de nouveau horizons pour l’astrophysique de laboratoire qui permet d’étudier au laboratoire ce type de processus qui structurent l’espace.
Dans des conditions extrêmes de température, les modèles classiques deviennent inadaptés. L’une des difficultés consiste à modéliser les processus de transport. Les marches quantiques pourront peut-être apporter une réponse à cette question.

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Comment expliquer le lancement des jets stellaires ? Les scénarios actuels sont ils suffisants ? Quel est le rôle des instabilités dans ces phénomènes ? Quel est le rôle du rayonnement dans les chocs internes de ces jets ? Pourquoi le taux d’accrétion stellaire sur les proto étoiles est il plus faible quand on le déduit des observations X avec CHANDRA ou XMM ou des observations dans le visible ? Quel est le rôle du transport radiatif dans ce phénomène ? Quel est le régime thermodynamique ?

Pour répondre à ces questions nous utilisons une approche duale car elle vise à combiner l’étude des phénomènes fondamentaux au laboratoire et dans l’espace, en veillant à respecter une mise à l’échelle adéquate. Cette étude est basée sur trois piliers : théorie, simulation numérique et expériences de laboratoire. Nous développons pour ce faire trois codes de simulations numériques multi dimensionnels, MHD (GORGON), hybride (PHARE) et de transfert radiatif (IRIS). Ces codes ont la spécificité de pouvoir s’appliquer aux plasmas astrophysiques comme de laboratoire. Nous participons, conduisons ou interprétons des expériences sur diverses installations, notamment des grandes installations laser (LULI, ORION, PALS), Z- pinches (MAGPIE, SANDIA) ainsi que des expériences de laboratoire.


Découvrez ci-dessous quelques résultats récents.


Jets stellaires: formation et collimation

Le champ magnétique joue un rôle essentiel dans les processus d’accrétion et éjection de matière dans différents objets astrophysiques, notamment les étoiles jeunes. Ils génèrent également tout une série d’instabilités spécifiques et sont un élément majeur dans les processus de turbulence et d’accélération. Nos études s’appuient sur des expériences réalisées notamment au LULI. Nous avons stimulé les premières expériences relatives à l’effet d’un champ magnétique externe sur une plume plasma générée par interaction entre un laser et une surface métallique.
Notre activité est plutôt liée à la simulation multidimensionnelle de ces écoulements astrophysiques et de laboratoire. Pour ce faire, nous développons des codes MHD comme GORGON qui peut modéliser les plasmas denses magnétisés générés par laser ou par Z pinch. Actuellement nous développons, en partenariat avec le LPP un code hybride 3D PHARE.
Nos développements récents concernent l’étude de la collision de jets magnétisés sur avec des surfaces, en lien avec le processus d’accrétion sur les étoiles jeunes et l’étude d’instabilité de faisceaux, en lien avec l’interaction entre les rayons cosmiques et le milieu interstellaire.

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Accrétion stellaire

Les jeunes étoiles accrètent de la matière du disque qui les entoure et l’éjectent sous forme de jets puissants. Le scénario magnétosphérique indique que le flot d’accrétion est canalisé par le champ magnétique (quelques kG) et frappe l’atmosphère à plusieurs centaines de km/s, générant des chocs hypersoniques. Ce modèle prédit des oscillations quasi périodiques (QPO) qui ne sont pas observées. Le taux d’accrétion déduit du rayonnement X est par ailleurs inférieur aux estimations obtenues dans d’autres domaines spectraux. Nous prouvé que ces constatations peuvent s’expliquer soit par des variations aléatoires dans l’écoulement détruisant la cohérence d’ensemble du phénomène, soit par des effets de bord au niveau de la photosphère qui masque en partie les sources de rayonnement dur. Nous avons aussi montré que l’introduction du transfert dans les modèles hydrodynamiques conduit à une profonde modification de la dynamique des QPO.

Chocs radiatifs

Les expériences de laboratoire réalisées sur les chocs radiatifs apportent de précieuses indications sur l’effet du rayonnement sur les chocs. Nos dernières expériences ont permis, pour la première fois, d’obtenir une image complète d’un choc expérimental avec le post choc, le front de choc et le précurseur radiatif. Seules des simulations 2D munies d’opacités adéquates permettent de reproduire un tel phénomène même dans une configuration expérimentale qui n’est pas si lointaine d’une configuration 1D.

IRIS3D

Des spectres synthétiques peuvent être générés par le code de transfert radiatif 3D IRIS pour interpréter observations et mesures. A partir d’une structure hydrodynamique donnée, IRIS, utilisé en post-traitement, résout l’équation de transfert radiatif tridimensionnelle par la méthode des caractéristiques courtes. Il calcule l’intensité spécifique spectrale émise en tout point de la structure hydrodynamique et pour toute direction de propagation du rayonnement. Il prend en compte les champs de vitesses, ce qui permet de simuler leurs effets sur les spectres simulés. Il peut aussi calculer le transfert pour des structures périodiques.

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Opacités et structure interne des étoiles

Le fort rayonnement émis dans les couches internes du soleil et des étoiles est en retour absorbé au cours de sa propagation vers la surface stellaire. L’opacité et l’accélération radiative sont deux ingrédients majeurs qui ont un fort impact sur les conditions locales en température et sur la composition chimique. Notre activité se décline dans le calcul et la mise à disposition publique d’opacités pour la physique stellaire (projets OPACITY et TIPTOP), utilisées par l’équipe pour la modélisation de la structure interne des étoiles, notamment du soleil et les plasmas (WDM) de laboratoire. La validation expérimentale de ces calculs est essentielle et nous nous appuyons pour ce faire sur des expériences de laboratoire, réalisées sur de grandes installations lasers (LULI2000 par exemple) et de puissance électrique pulsée (SANDIA). Les développements en cours concernent l’opacité des ions du groupe du Fer (Cr, Mn, Fe et Ni) ainsi que l’étude des différents processus et approximations susceptibles de résoudre le problème actuel du fort désaccord entre la dernière expérience de la SANDIA et tous les calculs théoriques. De nouvelles collaborations se développent afin de mener à bien des expériences en tirant partie de nouvelles installations comme SACLA (Japon).


Vers une nouvelle astrophysique de laboratoire, les marches quantiques

Les marches quantiques (MQs) sont des modèles discrets de transport quantique. On peut les considérer comme des équivalents quantiques des marches aléatoires classiques et elles sont utiles dans de nombreux contextes qui vont de l’information quantique à la biophysique en passant par la physique de la matière condensée. Elles ont également été réalisées en laboratoire, notamment dans des systèmes optiques (voir par exemple http://quantum-technologies.iap.uni-bonn.de/en/few-atom-quantum-systems/quantum-walk.html).
Ces cinq dernières années, notre groupe a montré que les inhomogénéités temporelles et spatiales d’une MQ engendrent des champs de jauge artificiels discrets et que des MQs inhomogènes peuvent ainsi modéliser la dynamique d’une fermion couplé à des champs de Yang-Mills arbitraires ainsi qu’au champ gravitationnel. La figure 1 montre une marche quantique confinée par un champ magnétique artificiel uniforme et constant, et la figure 2 présente le mouvement d’une marche quantique autour et dans un trou noir.
Nous avons également proposé des équations de champs discrètes qui montrent comment les MQs peuvent être utilisées comme sources de ces champs de jauges artificiels. Ces équations nous ont conduit à formuler de nouvelles théories de jauge discrètes qui sont des alternatives aux théories de jauge sur réseaux.
Puisque ces nouvelles théories de jauge discrètes sont susceptibles d’être réalisées en laboratoire dans un futur proche, notre travail ouvre la voie à une nouvelle astrophysique de laboratoire où des plasmas électromagnétiques et/ou de quarks-gluons, auto-gravitant ou non, pourront être modélisés par des expériences de laboratoires sur des marches quantiques.

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Publications récentes ou significatives

Albertazzi B., A. Ciardi, M. Nakatsutsumi et al., Science, 346, 325 (2014)
Arnault P., G. Di Molfetta, M. Brachet, and F. Debbasch. Phys. Rev. A, 94:012335, 2016.
Arnault P. and F. Debbasch. Phys. Rev. A, 93:052301, 2016.
Arnault P. and F. Debbasch. Physica A, 443:179–191, 2015.
Bonito R., S Orlando, C Argiroffi, et al., ApJL, 795 (2), L34 (2014)
Chaulagain U., C Stehlé, J Larour, et al., High Energy Density Physics 17, 106 (2015)
Ciardi A., J. Fuchs, B. albertazzi, et al. PRL 110, 5002 (2013)
Delahaye, F, Zwolf C. M., Zeippen, C. , Mendoza, C., JQSRT, 171, 738 (2016)
Di Molfetta G., F. Debbasch, and M. Brachet. Physica A, 397:157–168, 2014.
Di Molfetta G., F. Debbasch, and M. Brachet. Phys. Rev. A, 88:042301, 2013.
Huarte-Espinosa M., Frank. A., Blackman, E.G. et al. ApJ 757, 66 (2012)
Ibgui L., I Hubeny, T Lanz, C Stehlé, A&A 549, A126 (2013)
Matsakos T., JP Chièze, C Stehlé, et al., A&A 557, A69 (2013)
Sotelo M., P Velarde, AG de la Varga, et al. High Energy Density Physics 17, 68 (2015),
Suzuki-Vidal F., S. Lebdev, A. Ciardi et al., ApJ 815, 96 (2015)
Villante, F. L., Zerenellu, A. M., Delahaye, F., Pinsonneault, M. H., ApJ 787, 13 (2014)
Vaytet, N., Chabrier, G., Audit, E., et al., A&A 557, A90 (2013)


Membres de l’équipe

Arnault Pablo

Ciardi Andrea

Colombo Salvatore

de Sa Lionel

Debbasch Fabrice

Delahaye Franck

Drouin Matthieu

Guyot Julien

Ibgui Laurent

Khiar Benjamin

Laxmi Singh Raj

Nicolas Loic

Stehlé Chantal

Van Box Som Lucile

Zeippen Claude